Chères consom’acteurs modestes et géniaux,
Le «bio» est il trop cher ? Ou pourquoi les tomates issues de ma ferme ont elles un prix si différent ?
Sur l étal de votre magasin, vous trouverez des légumes tous naturellement en bio, issues de fermes dans un rayon kilométrique faible donc pourquoi autant de différences ?
Permettez moi plusieurs éléments de réponses…
Nos fermes sont toutes différentes par leurs tailles, leurs histoires, leur choix techniques. En effet plusieurs sont installés depuis 10 ans ou plus, tandis que d autres sont plus récentes 6ans, 3ans ou moins. Ainsi l amortissement ou si vous préférez le remboursement du matériel n est pas le même ce qui a une conséquence immédiate sur le prix.
Ce matériel est en général adéquat en considération de la taille de la ferme qui peut être plus ou moins facilement mécanisé donc diminuer le temps de travail sur tel ou tel culture, de tels ou tels légumes.
Le temps est le facteur le plus déterminant en bio puisque nous n’avons pas les béquilles chimiques de désherbage, d’insecticides etc que nos collègues conventionnels disposent, même si ces béquilles sont utilisés avec réticence ou ««raisonnablement»»….
Le temps ! Selon les estimatifs et les compilations scientifiques représente 50 à 80 % du coût de production d un légume.
Le choix du paysan est important sur ce que l on appelle «itinéraire technique d un légume» c est a dire toutes les étapes du semis à la récolte. Dans ce choix il y a la ou les variétés, les cultivars qui induiront moultes aspects a la libre appréciation du paysan sur la précocité ou a contrario plus tardif, la résistance a la sécheresse, a tel ou tel parasites etc.
Tout cela part bien sur de la semence.
Depuis plusieurs décennies, les semenciers se sont axés sur des critères standardisant le vivant autour de l homogénéité, la distinction et la stabilité des cultivars pour répondre à des besoins de marché. Jamais des besoins épicuriens de goût ou d adaptation aux traditions culinaires, culturelles locales. Ces variétés modernes pour la plupart sont appelés hybrides, car issues d hybridation croisés sur plusieurs générations. Certaines technologies pouvant être considérés comme étant des organismes génétiquement modifiés et pour le cas des plantes issues de mutagénése, le sont depuis l été dernier par un avis de la cour de justice européenne. Concrètement, n étant pas authentifiés comme tel auparavant, des ogms sont arrivés par la petite porte dans le monde végétal et par la même aussi…dans les champs bio.
Dans ma ferme, nous avons fait le choix de n utiliser que des variétés population que d autres appelleraient anciennes. «Population» car issues d une sélection au sein d un territoire, sur un plante en particulier et un regard humain sur elle. Je n utilise aucune technique moderne d amplification de production par greffage ou de conduite sur plusieurs branches comme cela est possible par exemple sur la tomate pour conserver le lien le plus direct entre le sol, la plante et le fruit. Parce que je n ai pas de problème de sol qui rendrait «obligatoire» ce choix. Ce choix me permet la plus grande autonomie semencière possible sur certaines espèces puisque je peux faire ma semences sur ces variétés non hybrides (a ce jour de septembre 2018, je suis autonome à 45 % de toutes mes graines).
J ai choisi la diversité, et dans mes champs se trouvent pas loin de 300 variétés différentes de légumes (dont 80 de tomates et 50 de haricots). J ai choisi la prospection et la multiplication de variétés potagères dont le goût prime sur le rendement. Cette prospection induit bien sur comme critère le rendement, et l équilibre entre le rendement et le goût qui permet de distinguer les variétés entre elles afin que d’une année sur l autre, elles reviennent sur mon stand, et dans mes différents circuits de commercialisation ou dans votre magasin Biocoop.
Vous l aurez compris, tout cela prend du temps, le prix de mes légumes est révélateur de cette diversité, de cet engagement a faire de la semence. Une formule dit que tout travail mérite un salaire digne, et mes prix tendent a permettre que moi même et mon équipe puissent vivre dignement de notre travail. Nous travaillons pour que vous puissiez disposer d une alimentation riche en diversité, en goût et qu’elle puisse perdurer.
Biocoop participe directement a cette prospection et ce travail en finançant le Réseau Semences Paysanne dont est membre Kaol kozh (antenne bretonne de cette réflexion nationale sur les semences paysanne). Kaol Kozh reçoit des fonds destinés a cette prospection.
Amener donc ces légumes issus de semences paysannes est un juste retour a l engagement de Biocoop a cette démarche. Biocoop a choisi dans son cahier des charges de ne plus utiliser de variétés hybrides en ce qui concerne les tomates dites «anciennes» pour valoriser ce travail de prospection et de multiplication, nous répondons à ce choix.
Biocoop emploie aussi bien sur des personnes dont le travail mérite salaire et obtenir ce salaire s obtient par des prix justes et équitables. En achetant mes légumes (et bien sur ceux de mes collègues sans distinction) vous posez un acte, un acte fort qui est de soutenir une agriculture paysanne et un distributeur engagé. Vous faites ce choix d une alimentation nutritive, saine, social et douce au goût.
Ce prix n est pas un geste vague, c est le choix de la dignité et du respect. Du respect pour vos papilles qui auront de la joie aux repas, pour les personnes qui ont mise en rayon ces légumes, et pour nous qui les avons cultivés.
Biologiquement votre
Agro écologiquement votre
Jonathan Chabert